La recommandation lecture du jour, notamment si vous vous sentez un peu dépassé par les pratiques en ligne du jeune public : Nos ados sur les réseaux sociaux (2023).
Béatrice Kammerer y réalise un tour d’horizon des grands sujets d’inquiétude qui gravitent autour du sujet (temps d’écran, infox, abrutissement, isolement…). Le tout en invitant le lecteur à sortir de l’alarmisme face aux usages des réseaux par les ados. La panique ne fait en effet selon elle que créer plus de distances entre générations et multiplie les chances de se sentir largué face aux transformations culturelles – en cours ou à venir. Béatrice Kammerer explore donc un par un les principaux clichés liés aux usages en ligne des plus jeunes. Les confirmant, les infirmant ou les nuançant via des données quantitatives et qualitatives issues de récents travaux de recherche. Si l’ouvrage s’adresse d’abord aux éducateurs (parents, enseignants…) en leur livrant des clés pratiques pour ouvrir un dialogue constructif avec les ados, il peut intéresser un public plus large qui cherche à se forger son propre avis sur le sujet.
“L’inconnu effraie, l’ignorance paralyse. C’est notre devoir de citoyen que de nous intéresser aux réseaux sociaux pour mieux les décoder, apprécier la multiplicité des usages et saisir les rouages de la grande machine”
Virginie Sassoon, directrice adjointe du Clemi.
Je ne vais pas résumer le livre, mais voici trois idées qui m’ont marquée. Petite précision : le livre ne cherche pas à nier les risques et les dérives qui existent bel et bien, mais à mieux en saisir les rouages pour accompagner les ados dans leurs pratiques.
Relativiser le fameux “à mon époque…”. Béatrice Kammerer revient rapidement sur la définition et l’histoire de l’adolescence. En rappelant que chaque génération d’adolescents propose sa “culture jeune”, vaste ensemble de codes co-construits et suivis pour affirmer son autonomie, se distancier de l’autorité des adultes. Nous avons tous vécu ce “sas” entre enfance et âge adulte, cadré par une culture des pairs qui laissait elle aussi perplexes nos éducateurs (et les nous d’aujourd’hui…). Est entre autres évoqué un livre de Michael Newman, Atari Age, The emergence of Video Games in America (2017) qui “montre comment les paniques morales apparaissent avec une régularité stupéfiante chaque fois qu’une culture nouvelle se popularise chez les jeunes sans être préalablement connue des adultes”.
Repenser l’information et la politique. Idée reçue récurrente : les ados sont beaucoup moins informés et politiquement impliqués que les générations précédentes. Les études citées ne semblent pas appuyer ce point. Elles soulignent plutôt une double transformation, qui bouscule en effet les définitions classiques de ces leviers de citoyenneté. Sur le fond : les ados d’aujourd’hui s’intéressent en effet moins à la politique et à l’actualité dites traditionnelles, mais se sentent en revanche plus concernés par de nombreux sujets sociétaux (vivre ensemble, religion, racisme, écologie…). Sur la forme : le numérique a bouleversé les manières de s’informer et de s’engager politiquement.
“Croire que les jeunes ne s’informent plus est un préjugé qui repose sur la tendance incorrigible des adultes à considérer leurs propres habitudes comme un mètre étalon universel”
Anne Cordier, professeur en Sciences de l’Information et de la Communication.
Des ados qui surexposent leurs vies ? Béatrice Kammerer nous rappelle pour commencer que les notions de vie privée et vie publique évoluent au fil de l’Histoire, ne remettant pour autant pas en question la frontière entre les deux. Mais surtout que l’actuelle génération semble plus vigilante en termes de protection de son intimité. Moment d’humilité pour ma génération de Millenials : c’était plutôt nous, à l’époque, qui agissions en ligne sans trop prendre en compte les risques de sécurité et de traces numériques. Je repense à mes articles trop détaillés sur Skyblog ou à mes albums de 999 photos sur Facebook, très éloignés des actuelles pages Instagram vides des ados ou de leur préférence pour les messageries éphémères.
Un article très intéressant ! Merci 🙂